L’art réparateur, un art qui fait du bien

21 Octobre – 6 janvier 2022

Exposition virtuelle

Dessin, peinture, sculpture, photographie, gravure : ensemble des œuvres disponibles à la vente sur l’e-galerie

La galerie vous propose de découvrir le jeudi une œuvre choisie sur le site parmi les artistes représentés.
C’est le Jeudi de l’art, une exposition à portée de clic, pour mieux découvrir une création.
Pour cette deuxième exposition virtuelle “L’art réparateur, un art qui fait du bien”, mon choix s’est porté sur des œuvres qui nous font réfléchir à l’aspect salutaire du geste créatif.
Artistes sélectionnés :
Yann Bagot
Philippe du Crest
Michaël Cailloux
Colette Grandgérard
Atsuko Ishii
Anne Laval
Véronique Pineau
Maryline Pomian
Coco Téxèdre
Isabelle Tournoud

 

Comment l’art fait-t-il irruption dans notre quotidien ?
D’une exposition à l’autre, au détour d’une rue, par la possession d’œuvres, en ouvrant un livre, ou bien à la pause café dans une tasse arty…

Mais comment notre corps se laisse-t-il aller à la curiosité, à l’envie de découvrir, jusqu’à la contemplation – une œuvre, qui en nous faisant oublier notre quotidien procure alors un plaisir, voire un bien être insoupçonné ?
Plusieurs expériences sont menées dans diverses institutions, que ce soit par exemple, le MBAM de Montréal au Canada1 qui accueille des visiteurs sur ordonnance de leur médecin (« muséothérapie »). Dans un article de Sciences et Avenir, on y apprend également que des chercheurs en neurosciences et neuro-esthétique ont prouvé que par le biais de la rétine la visualisation d’œuvres peut provoquer un lâché de dopamine !
Le Musée du Louvre2 depuis 2014 propose des visites, des rencontes, des ateliers avec du personnel soignant et à la rencontre des patients pour un échange avec le monde hospitalier à travers des partenariats et des RdV (récemment : « Le musée, ça fait du bien », table ronde avec la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury).
L’artiste Garouste a de son côté fêté les 30 ans de La Source3, association qui aide les enfants en difficulté avec la convition que la création artistique permet d’éviter l’exclusion.
D’autres exemples pourraient être cités ou bien nous venir à l’esprit, comme l’exposition “L’âme au corps”4 qui est restée marquante par la qualité de sa proposition, éblouie que j’ai été par la richesse du discours et de ce qui était montré sur deux siècles (1793-1993), dans les rapports de l’artiste, de la sciences et du progrès.

Après ces derniers mois, où l’on nous a privé d’un rapport direct à l’œuvre, nous avons pu nous rendre compte du manque installé.
Aussi bien pour les artistes, obligés de garder les créations à l’atelier, que pour nous.

Voir une œuvre d’art peut ainsi nous protéger, nous réparer, comme le fait l’art du Kintsugi. Cette technique ancestrale, découverte à la fin du XVème siècle au Japon, consiste à réparer un objet brisé en soulignant ses fissures avec une réparation de laque saupoudrée d’or, au lieu de les masquer.

Sans parler d’art-thérapie, on peut malgré tout évoquer tant du côté de l’artiste que du côté de celui ou celle qui réceptionne l’œuvre un échange singulier qui nous fait certainement mieux supporter notre état et celui du monde.

Sources :

  1. « Aller au Musée pour se soigner », Sciences et Avenir, N°872 – octobre 2019,
  2. Partenariats noués avec l’AP-HP (depuis 2014) et avec l’ARS Île-de-France (depuis 2019). En 2020, le musée du Louvre a renforcé son action en faveur de la santé mentale en signant un nouveau partenariat avec le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences.
  3. https://www.associationlasource.fr/
  4. « L’âme au corps”, Grand Palais, Paris, 1993
    https://www.franceculture.fr/oeuvre/lame-au-corps-arts-et-sciences-1793-1993-exposition-galeries-nationales-du-grand-palais-paris-19

Exposition

Visite virtuelle

Bouyer Chemin des crêtes I

Colette Grandgérard, Nœud à l’aiguille, 2019, Ht. 14 x L. 34 x P. 17 cm, pâte de  cristal et bronze, sculpture pièce unique

 

“L’aiguille est associée d’emblée à l’acte de coudre et à une image ancestrale des femmes. Pourtant, l’objet est moins simple qu’il n’y paraît, ses usages sont multiples, contrastés, voire antagonistes  – coudre, relier, piquer, transpercer… En outre, l’aiguille véhicule une puissante charge symbolique. Elle est porteuse de récits et participe de l’imaginaire collectif de cultures différentes qui s’expriment au travers de rituels, contes,  chants, jeux de mots... L’aiguille jette ainsi des ponts entre les sociétés.”

Bouyer Chemin des crêtes I

Yann Bagot, Le souffle du sol #32, 2020, encre de chine sur papier, 76 x 56 cm

 

“En résidence à l’Abri mémoire d’Uffholtz en juin et juillet 2020, j’ai peint en immersion dans la montagne du Hartmannswillerkopf. Sur ce champ de bataille de la Première Guerre mondiale, la forêt ravagée par les combats a désormais repris ses droits.
Parmi les vestiges de la guerre, tranchées, abris, trous d’obus, buissons de barbelés, peindre à l’encre de chine cette forêt d’été m’a plongé dans un double mouvement : les blessures de l’Histoire imposent la mémoire et le recueillement ; le formidable élan vital de la forêt agit comme une source énergisante et optimiste. Se laisser traverser par l’Histoire, peindre l’éclat du présent : ici plus qu’ailleurs, j’ai vivement ressenti le paysage comme « transformation du temps vécu en espace vivant », selon la phrase de François Cheng (Le vide et le plein, 1979).”

Bouyer Chemin des crêtes I

Philippe du Crest, La Cella moderne, 2008-2018, Tirage pigmentaire contrecollé sur aluminium 12 ex. tous formats confondus, n° et signés au dos par le photographe

 

Comme son nom l’indique, La Cella Moderne nous emmène au cœur même du temple de ce qui aujourd’hui pourrait être le symbole de notre rapport au corps. Rapport dévié car aujourd’hui en mutation ; lieu hybride empli de mystère, inaccessible, au secret, et porteur en retour de « normalité » – celle de l’éradication de la maladie, de la blessure, voire du vieillissement.

Bouyer Chemin des crêtes I

Coco Téxèdre, Tapis d’éveil 1, 2020, Fermé 32x23cm ouvert 32x46cm, Encre de Chine, acrylique, huile, fourrure, ficelle, cuir…sur papier Monval

Il existe des tapis pour éveiller les sens des tous petits, ici un tapis d’éveil pour adultes, comme un livre qu’on ouvre, une double page avec des éléments à caresser, déplacer, tirer sur la chevillette, du lisse, du rugueux.
A toucher sans modération, posé sur une table ou regarder avec envie, accroché dans une caisse américaine ou caché dans son tiroir préféré.

Bouyer Chemin des crêtes I

Véronique Pineau, Lézard verre, 2020, Ht. 50 cm, cristal et céramique assemblés (filetage et collage), sculpture pièce unique

 

Il s’agit d’une création unique faite à partir de pièces de vaisselle en verre et un lézard en céramique, chinés au gré des brocantes.
Le symbole du lézard est la renaissance, le renouvellement, la régénération.
Il a le pouvoir de faire repousser certaines parties de son  corps coupées ou endommagées.
On peut imaginer qu’il aide à régénérer les personnes abîmées, lézardées.
Dans la Grèce antique le lézard est associé à la possibilité d’une seconde vie.
C’est pour cette symbolique que mon choix s’est tourné vers cette sculpture.”

Bouyer Chemin des crêtes I

Anne Laval, Paysage fossile – porcelaine cousue, acier, 2016, Sur plaque noire et sous plexiglas, 50x50x30 cm, Pièce unique

 

Les Paysages fossiles réalisés en 2016 dans le cadre d’une exposition personnelle au Mémorial de Montormel (Orne) sont le fruit d’une réflexion de l’artiste sur l’histoire du mémorial de la 2ème Guerre mondiale et du paysage alentour. Imprégnées de l’horreur passée, les sculptures prises hors de ce contexte particulier, ont une force plastique telle qu’elles peuvent être aussi à découvrir pour la beauté étrange qu’elles dégagent. Travaillant la porcelaine comme l’empreinte du paysage vallonné qui a inspiré l’artiste, Anne Laval a façonné ses sculptures tel un puzzle : morceau par morceau, chaque élément de porcelaine crue est incrusté de cuivre avant cuisson, créant ainsi une oxydation verdâtre évocatrice – sous-jacente à la matière translucide.
Après cuisson, le paysage et son histoire est alors recréé, chaque morceau étant cousu avec un fil d’acier, chaque point nécessitant le retournement de l’ensemble de la sculpture. Le geste est donc primordial, méticuleux, avec un rythme lent, retrouvant le travail des petites mains de la haute couture !

Bouyer Chemin des crêtes I

Michaël Cailloux, Ex-voto : Victoire, bijou mural, 2014. Matrice : plaque de cuivre argentée, découpée à la scie bocfil et gravée à l’eau-forte. Pièce unique présentée dans une boîte

 

“Victoire” où  comment vaincre ce qui nous heurte, nous fragilise. A ce fragment de corps l’artiste a joué avec la symbolique du serpent, le caducée d’Asclépios,  dieu de la médecine. La mouche, signature de Michaël Cailloux vient compléter cette composition porteuse d’espoir !
Bouyer Chemin des crêtes I

Atsuko Ishii, Tout va, 2021, gravure à  l’eau-forte imprimée couleur, signée et numérotée par l’artiste n°11/51 exemplaires

“Tout va”. Parce qu’au delà des maux, les mots réparent, réconfortent. Et l’image de l’artiste nous invite à la légèreté. ​
Bouyer Chemin des crêtes I

Maryline Pomian Survie, couverture modulable, objet personnel, sur commande, 2022. Dimensions variables. Chaque réalisation est unique. 

Protocole de “Survie” : Le matériau choisi inspire la protection car utilisé en cas d’accident par exemple. Quant à sa couleur, si l’on ne connait pas l’usage ni l’échelle de la couverture, l’or peut faire penser à une pépite !
Mais dans ce cas précis de détournement, l’artiste Maryline Pomian va évoquer la protection symbolique en créant une sculpture personnalisée. L’artiste va en effet sculpter la couverture en fonction de l’objet qui y sera caché, protégé aux yeux de tous, mais identifiable en pensée par son propriétaire. Elle valorise ainsi un objet dans un rapport affectif fort et intime.
L’artiste devient intercesseur, entrant en résonance entre l’objet – ce qu’il véhicule – et le commanditaire de l’œuvre ainsi créée.  

©”Survie” de Maryline Pomian, 2022.