Sur un filament

15 septembre – 15 octobre 2020

Le 6, Mandel
Paris| FRANCE

Anne Laval / Lucas Weinachter

Sculpture, gravure / dessin

Rencontre de deux artistes, avec le fil pour conducteur.
Commissaires de l’exposition : Galerie Nathalie Béreau + (S)itor

Exposition

Visite virtuelle

Exposition

Présentation

Anne Laval

L’exposition présente une sélection de sculptures suspendues Paysage de poussière, Cendre et Poussière, et de petites sculptures à poser de la série Du bout des doigts où la laine d’acier est sculptée. Dans ses volumes suspendus, la laine d’acier est en flottement dans l’espace comme une ligne d’horizon dans la brume, un nuage évanescent plus ou moins dense que l’encre recouvrant la laine d’acier, va accentuer ou au contraire alléger certaines masses.
Les Paysages fossiles réalisés en 2016 dans le cadre d’une exposition personnelle au Mémorial de Montormel (Orne), et présentés au 6, Mandel (sculptures en extérieur et en intérieur) sont le fruit d’une réflexion de l’artiste sur l’histoire du mémorial de la 2ème Guerre mondiale et du paysage alentour. Imprégnées de l’horreur passée, les sculptures prises hors de ce contexte particulier, ont une force plastique telle qu’elles peuvent être aussi à découvrir pour la beauté étrange qu’elles dégagent. Travaillant la porcelaine comme l’empreinte du paysage vallonné qui a inspiré l’artiste, Anne Laval a façonné ses sculptures tel un puzzle : morceau par morceau, chaque élément de porcelaine crue est incrusté de cuivre avant cuisson, créant ainsi une oxydation verdâtre évocatrice – sous-jacente à la matière translucide.
Après cuisson, le paysage et son histoire est alors recréé, chaque morceau étant cousu avec un fil d’acier, chaque point nécessitant le retournement de l’ensemble de la sculpture. Le geste est donc primordial, méticuleux, avec un rythme lent, retrouvant le travail des petites mains de la haute couture !

Mais le fil n’est pas celui de la couture, mais bien de la réparation comme pour les objets blessés que l’on trouve dans l’art africain. L’artiste, par cette cautérisation panse les plaies, répare, soigne ainsi de manière symbolique la blessure pour une vie nouvelle où la mémoire du traumatisme devient source vive de création lumineuse à partager.

Des monotypes (cheveux, encre et gaufrage) intitulés Nids de poussière de 2014, complètent le choix des œuvres exposées.
Ces gravures procèdent de l’empreinte des cheveux de l’artiste encrés, déchets détournés, principe du recyclage et questionnement sur nos poussières corporelles, sublimées par le geste de l’artiste en des volutes illusoires.
Nathalie Béreau, 2016

       
Lucas Weinachter

a sans hésiter suivi sa passion pour le dessin et oublié l’architecture vers laquelle il était destiné aux Beaux Arts de Paris. La rigueur précise et appuyée du trait est omniprésente dans son travail et laisse toujours apparaître le squelette de la structure imaginée, des histoires contées en pointillé, des situations toujours oniriques où ses personnages anonymes sont notre propre reflet.
La fragilité des supports utilisés, le plus souvent du papier Japon naturel, léger, texturé, vivant, fragile et élastique comme un peau sur laquelle, la mine de plomb, le fusain ou l’encre viennent, tel un tatouage, laisser leur empreinte. C’est la fragilité réelle de notre monde mais le regard porté est loin d’être grave. Si rien n’est parfait, les fils en pointillés, ou librement suspendus ouvrent par leur mouvement l’univers des rêveries possibles.La naïveté supposée du trait a pu mettre à mal les codes classiques. Sans penser à Picasso, Braque, ou Max Ernst, on peut évoquer les Oiseaux de l’artiste Corneille aux grands yeux ronds comme des billes !

Le corps est omniprésent dans les œuvres ici présentées, dedans/dehors, dessus/dessous, caché/secret, réel/imaginé… c’est une mise à nu précise, médicale et psychique de nos rouages intimes. Le dessin anatomique n’est jamais très loin toujours complété et prolongé par des coutures en fil de coton à broder, comme autant de références aux codes usuels du genre (myologie, vaisseaux sanguins, système nerveux), pour finalement imposer une géographie de l’intime où se mêlent fantasmes et détournements de sens. Lucas aime ce fil, et l’utilise de plus en plus, marquant les stigmates d’une vie qui se fait et se défait, les cassures à recoller, les imperfections à raccommoder, les anomalies à masquer, soulignant le propos, accentuant le mouvement… Ce fil qui nous conduit naturellement à l’abandon, l’introspection, et la rêverie baudelairienne.
Sitor Senghor, juillet 2016