Colette Grandgérard
œuvre
Œuvres récentes
Livre à détricoter, 2025
Sculpture en bronze en trois éléments : le livre en mailles sculptées et les deux aiguilles à tricoter
Ht. 15 x 13 x 32 cm
Pièce unique
TEXTE
À propos
Vit et travaille à Paris, France.
Peintre et dessinatrice initialement, j’ai opéré un virage au carrefour des années 2000 en intégrant le volume et l’espace dans ma démarche selon deux formes : installations et sculptures-objet.
Ces deux formes font que des lieux de nature différente accueillent mes expositions – centres culturels, abbayes, jardins publics, rue (suspension de sculptures entre deux immeubles dans le cadre d’une Nuit Blanche Paris), grange… d’une part, galeries d’autre part.
Conjointement aux créations en volume, je poursuis l’approche initiale en deux dimensions en réalisant des séries de tableaux sur des thématiques liées ou non aux installations.
Les sculptures-objet en bronze et (ou) en pâte de cristal. Ces sculptures réalisées dans les deux pays que sont le Bénin et la France, conjuguent des rapports contrastés aux processus techniques et à travers eux des modes de relation de l’être humain au monde.
Mes voyages en Afrique de l’Ouest, notamment en pays vaudou au Bénin conjugués à ma double formation d’artiste et de sociologue, nourrissent mon approche depuis plusieurs décennies.
Le terme de voyage peut sembler impropre dans la mesure où il s’agit de véritables immersions consacrées à réaliser des pièces en bronze en collaboration avec des fondeurs traditionnels. Au cours de ces longs séjours, je découvre d’autres visions du monde où visible et invisible se côtoient, des structures de langue différentes, d’autres grammaires, d’autres us et coutumes et je questionne notre manière d’être, de penser, de vivre.
Les sculptures en bronze sont issues des forges d’Abomey en collaboration avec un fondeur Eudes Hounton.
Au cours de mes séjours au Bénin, j’ai découvert la technique du bronze à la cire perdue, fruit d’une tradition ancestrale. Originaire d’Ifé, celle-ci a diffusé au fil des siècles dans les autres royaumes, sans subir d’inflexions majeures.
D’emblée, j’ai été séduite par le caractère brut du processus, aléatoire, du fait de la forte pression du métal en fusion dans le moule en terre rouge. Les accidents font partie de la technique. Pour les bronziers, ils sont fondamentalement la manifestation du courroux de Gou, dieu du feu et de la forge dont les faveurs requièrent offrandes et respect de règles strictes.
Dans la société africaine, le travail du bronze ne relève pas, en effet, du simple domaine du savoir-faire et de la compétence de l’artisan, il engage également le monde invisible. C’est pourquoi le processus de fabrication d’une pièce donne lieu à rituels préalables. Le mardi, jour consacré au dieu, le fondeur ne manipule pas le feu ; la veille du coulage, toute relation sexuelle est exclue ; l’inauguration d’un nouveau soufflet, poumon de la forge, impose le sacrifice de poulets ou cabris dont on répand le sang et nourrit Gou. Si les rituels sont transgressés, gare aux ratés.
Habitée par l’esprit des dieux, la technique est aussi ancrée dans une relation forte à la nature. Chacune des étapes en est imprégnée : cire d’abeilles matériaux de base pour faire la forme, terre rouge pour la fabrication des moules, feu de bois pour leur cuisson, charbon pour le coulage, enfin diverses feuilles pour les patines…(…)
Lors de la réalisation d’une pièce en bronze, est à l’oeuvre une vision de l’homme et de ses relations au monde. Pour le « forgeron » d’Abomey, sa compétence côtoie l’intervention divine et les forces de la nature, il n’entend pas être seul maître à bord dans le déroulement d’un processus fortement empirique. Une telle leçon d’humilité a son revers : ratés et réussites étant l’expression de forces qui échappent pour partie à l’homme ne peuvent faire l’objet de questionnements critiques.
Quelques fils conducteurs afin d’illustrer mes orientations de travail, passerelles entre les cultures dans un dialogue entre une pluralité de matériaux :
Les livres (en bronze ou en pâte de cristal) sont des corps que l’on prend à pleine main, caresse, feuillette ; ils s’ouvrent et se ferment, se déchirent, s’écornent. On y glisse des intercalaires improvisés, tickets de métro, cartes postales, billets de cinéma, de musée… autres feuilles qui s’ajoutent aux feuilles, en toute liberté.
Signes, mots se déposent sur leur peau depuis plusieurs siècles… parenthèse dans l’histoire ? Le temps y laisse son empreinte ; taches, ratures, pliures sont autant de traces des lectrices et lecteurs qui ont précédé. Il arrive qu’ils perdent leur encre, en gouttes, en vagues, liquides migrant vers d’autres supports, d’autres corps.
Ils ont leurs territoires spécifiques. On a inventé pour eux des bibliothèques, des librairies. Toutefois, ils optent parfois pour d’autres territoires, lieux de désordre… comme joncher le sol en piles instables, en cascades généreuses ou servir de marche-pied ou de cale.
Le travail de sculpture en pâte de cristal ou raku est réalisé par l’artiste à Montreuil à l’atelier de Paul Fleury.
Les clochettes
En intégrant dans les sculptures en bronze de petites poulies qui déroulent des récits de voyages, j’esquisse une réponse à une interrogation de longue date, je lui donne forme : comment faire intervenir l’écriture dans mes créations. ? Les livres que j’ai réalisés jusqu’à présent, en bronze ou en cristal, sont en effet souvent vides de textes, ce sont avant tout des objets à manipuler, des morceaux de corps.
Grelots et clochettes au son léger (les écouter nécessite de tendre l’oreille) racontent une autre histoire, celle de messagers d’un ordre symbolique, traversant frontières et cultures. La sonnerie, nous dit Alain Corbin à propos d’un monde récemment disparu, constitue un langage. « Qu’il s’agisse de traduire la liesse, la menace du feu ou du sang, la terreur des épidémies, il n’est pas de profonde émotion collective qui n’implique un recours à la cloche ». Dans les sociétés africaines contemporaines, auxquelles je suis à l’écoute, le son, qu’il émane de grelots, cloches, gongs, tambours… est encore vécu comme un système de communication puissant entre les vivants et les morts, il permet de rentrer en contact avec les dieux et les esprits des ancêtres qui viennent parler et transmettre des messages la nuit.
Les épingles à nourrice / « Jeux d’épingle »
L’épingle à nourrice (dite encore « de sûreté » ) résume la chose utile par excellence. Destinée initialement à fixer ensemble des pièces de tissu, elle est traditionnellement associée à l’univers des nourrissons et des langes ; elle évoque aussi celui de la couture – faire passer un cordon de serrage dans un vêtement.
Pointue et arrondie, elle pique et elle attache. Alliance des contraires, son ambivalence autorise le détournement de sa fonction première : devenue accessoire de piercing, outil de rafistolage éphémère au service d’une transgression des codes vestimentaires, l’épingle à nourrice symbolise la capacité à s’approprier le rien, le vide, qui fut la marque de la révolution punk.
En jouant de cet objet que je décline dans des matériaux divers – en bronze, pâte de cristal, bois – et dans un format hors norme, je développe un questionnement engagé depuis quelques années relatif à certains outils, leur polysémie et leur dimension sociétale.

CV
CURRICULUM VITAE
Sélection expositions
2025 Évasions passagères (sculptures), Galerie Nathalie Béreau, Espace Chapon, Paris
2024 Hors norme, (installation et sculptures), Galerie Nathalie Béreau, Espace Chapon, Paris
Ramifications (sculptures), avec Coco Téxèdre (dessins et peintures), Galerie Nathalie Béreau, Espace Chapon, Paris
Centre Culturel Aragon-Triolet, Orly
2023 Pas si bête, Espace Art et Liberté, Charenton-le-Pont
Galerie Claudine Legrand, Paris
2022 Exposition personnelle, Espace Culturel, La Ferté-sous-Jouarre
2008, 2010, 2014, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022, 2023 Galerie Nathalie Béreau
2018 Abbaye de Bonnefont
2015, 2016, 2017 Galerie La Véluze, Honfleur
2015, 2016, 2017 Galerie Glineur, Saint Martin de Ré
2008, 2011, 2013, 2016 Mac Paris (Manifestation d’Art Contemporain)
2014 Abbaye de Léhon, commissaire d’exposition M.A. Lorillon, Dinan
2013 Galerie de Buci, Paris
2012 Prieuré St-Vincent, coll. performance chorégraphe-danseur José Luis Sultan, Chartres
2011 « Nuit blanche » avec Voisimages, coll. N. Cadoret, matériaux sonores, Paris
Château de Robersart, création de costumes, « Ballet africain à la cour du roi Louis XIV »
2010 Galerie Brissot, coll. performance chorégraphe-danseur José Luis Sultan Paris
Galerie Claire Corcia, coll. performance chorégraphe-danseur José Luis Sultan, Paris
Sélection expositions (suite)
2009 Galerie Christian Collin, “Estampes contemporaines”, commissaire d’expo N. Béreau, Paris
2008 Atelier D’Estienne, “L’art chemin faisant”, parcours d’art contemporain, Pont-Scorff
Abbaye de Saint-Servais, « Les nuits blanches de Lucie », coll. N. Cadoret création de matériaux sonores, Pont-Scorff
Galerie Marie Redor, Orléans
Galerie Brissot et Linz, Paris
Peinture-Danse
Dialogue de longue date avec le performeur danseur José-Luis Sultan dans le cadre de spectacles et d’un travail régulier d’atelier. Plus qu’une approche classique de type peintre/ modèle, ce dialogue se construit autour d’une rencontre entre deux imaginaires qui s’alimentent l’un l’autre
1998 Co-création peinture-danse contemporaine, dialogue avec le danseur José, Luis Sultan, Théâtre Les Amandiers, Paris
Edition
2003 « Agotem », revue de littérature, éditions Obsidiane, n°1
2001 « Aleph Beth », revue de littérature, n° 5, mars
Edition Aleph Beth, Nimrod, En majesté, le manteau rouge et noir du soleil
Voyages-ateliers
Depuis 2000 Création de sculptures (bronzes à la cire perdue) au Bénin, lors de séjours réguliers
Depuis 1994 Carnets de voyages au Mali, Burkina-Faso, Bénin
Prix
2002 1er prix de peinture, Salon Mac 2000, Paris
œuvre
De la même artiste
Installations
Les installations mixent une diversité de matériaux – grillage, tarlatane, bois, pâte de cristal, bronze, cire, herbe fraîche… et font dialoguer une pluralité de domaines – dessin/peinture, volume-espace, son… Elles donnent lieu, de manière ponctuelle, à collaboration avec des danseurs/chorégraphes et des musiciens-sculpteurs de matériaux sonores.
« La belle et la bête à l’entonnoir »
Grand personnage féminin, phacochère, – tous deux en grillage peint- entonnoir en tarlatane, photos… Celle-ci interroge, à travers la place prépondérante de l’entonnoir dans l’espace public et privé de la société béninoise, les modes de consommation non standardisés, modulables selon les besoins de l’individu ainsi que les mutations en cours.
« Le chemin des aiguilles »
60 aiguilles à coudre de grand format chacune en pâte de cristal, bronze, bois, présentées en suspension. Leur ombre se dessine sur une grande feuille de papier blanc. Cette proposition est visuelle mais aussi sonore, c’est un instrument de musique aux sons cristallins ; le public est invité à jouer de l’aiguille avec de petites baguettes en feutre. L’installation traite de l’aiguille comme symbole transversal à diverses cultures. Porteuse de récits qui s’expriment dans des contes, chants, opéra, jeux de mots, elle jette des passerelles entre les continents.
Avec l’aiguille, je tente de coudre les sociétés.
1. La Chute des anges rebelles, 2012, grillage, tarlatane, pigments, pièces uniques. Dimension variable. (Photos Alberto Ricci / Marie Docher )
2. Belle et bête à l’entonnoir, 2019, grillage, tarlatane, pigments, pièces uniques.
3/4. Le Chemin des aiguilles, 2018-2024, bronze et pâte de verre, pièces uniques. Dimension variable. Structure portante en métal ou suspension.